- TUMEURS ANIMALES
- TUMEURS ANIMALESL’organisme d’un animal est en renouvellement continuel. Au cours de la croissance, les cellules de la plupart des tissus se multiplient et se différencient [cf. ONTOGENÈSE ANIMALE]. Ces deux stades de l’organisation histologique se succèdent à court ou à long terme. C’est ainsi que dans le cas des cellules nerveuses la phase de multiplication cellulaire au niveau du neuroderme aboutit à un nombre limité de neurones embryonnaires qui subissent ensuite une très lente maturation et ne sont en aucun cas remplacés s’ils viennent à être détruits.Au contraire, des tissus moins différenciés restent capables d’un remaniement pour ainsi dire permanent: cela se produit dans le tissu osseux et surtout dans les tissus épithéliaux et le tissu hémolymphatique [cf. HÉMATOPOÏÈSE].Lorsque destruction et reconstruction se compensent statistiquement, l’organisme renferme une masse tissulaire active relativement constante. Cela implique l’existence de phénomènes, dits homéostasiques, contrôlant le renouvellement des tissus [cf. HOMÉOSTASIE]. Ce contrôle exercé par l’organisme apparaît notamment dans les phénomènes de réparation des brèches tissulaires grâce à la production d’éléments cicatriciels et dans la régénération des tissus amputés, ou hyperplasie régénératrice [cf. RÉGÉNÉRATION ET CICATRISATION].Les tissus nouveaux, ou tissus néoformés, remplissent alors plus ou moins parfaitement le rôle de ceux qu’ils remplacent. Mais le fait essentiel est que ce processus réparateur soit limité dans le temps et dans l’espace. On l’explique par la conjonction d’influences stimulatrices venant de diverses parties de l’organisme (tissus lésés, réactions neuro-endocriniennes) et d’influences inhibitrices naissant au sein du tissu rénové lui-même.C’est l’échec de tels mécanismes régulateurs qui caractérise le phénomène tumoral. Il s’agit d’une prolifération tissulaire échappant aux contrôles que l’organisme met d’ordinaire en œuvre, ce qui se traduit par une croissance autonome et persistante du tissu.Des degrés existent entre le normal et le pathologique, par exemple l’aspect tumoral ou plutôt pseudotumoral de quelques réactions inflammatoires: tandis que la plupart d’entre elles se caractérisent par des tuméfactions rouges et douloureuses qui se résorbent peu à peu, certaines sont durables et présentent un aspect pseudo-tumoral (par exemple, hyperplasie végétante de la tuberculose verruqueuse de la peau) tant qu’un traitement spécifique n’a pas été mis en œuvre. On distingue donc, dans ce cas, processus inflammatoire et processus tumoral, selon l’évolution des phénomènes tissulaires en cause.D’autres exemples d’anomalies dans la régulation de l’histogenèse (et de l’organogenèse) pourraient encore être mis en parallèle avec la naissance de masses tumorales: ce sont les dysplasies, qui affectent le développement embryonnaire et déterminent malformations ou monstruosités, ce sont aussi certaines dystrophies, caractérisées par un accroissement tissulaire anormal (goitre, hypertrophie prostatique, glycogénoses).Il est souvent difficile de distinguer nettement certaines des anomalies précédentes et les tumeurs bénignes. Mais ces dernières s’opposent radicalement, par leur potentiel évolutif, aux tumeurs malignes qui sont, en principe, mal limitées, envahissantes, susceptibles de migration (métastases) et destructrices des tissus normaux. La transformation maligne de tissus néoformés est le point de départ de la maladie cancéreuse [cf. CANCER]. Il est donc capital de reconnaître et de discriminer les différentes formes de tumeurs humaines sur le plan de leur évolutivité: la contribution de R. Gérard-Marchant résume, sur ce point, l’essentiel des connaissances histopathologiques.Il est utile de découvrir dans le règne animal des modèles qui permettent d’analyser certaines modalités du passage de la bénignité à la malignité: C. Gosse et J.-C. Friedmann ont fait le point en ce domaine.Enfin, la méthode expérimentale apporte d’importants enseignements sur les propriétés biologiques particulières aux cellules malignes et sur l’induction de leur comportement pathologique, notamment la propension à métastaser qu’étudie Brigitte Boyer.Tout cela débouche sur la sanction thérapeutique moderne de la maladie cancéreuse. Dépistage précoce et destruction des tissus néoplasiques malins assurent, à l’ère de la chimiothérapie, de grandes chances de guérison.1. Tumeurs chez l’hommeL’anatomie pathologique, qui se consacre à l’étude de la morphologie des processus morbides, est primordiale en carcinologie, car c’est sur elle que reposent la nomenclature et le diagnostic des tumeurs d’où découlent, dans une très large mesure, pronostic et indications thérapeutiques.On distingue généralement deux variétés de tumeurs. Les tumeurs bénignes ont une croissance lente, elles refoulent les tissus voisins sans les infiltrer, leur évolution reste strictement locale. Ces trois caractères s’opposent à ceux des tumeurs malignes , ou cancers: leur croissance est rapide, ils infiltrent et détruisent les tissus voisins, ils donnent des localisations secondaires à distance par migration de cellules néoplasiques à travers les voies vasculaires sanguines ou lymphatiques (métastases). C’est toujours la seule définition raisonnable de ces deux types de tumeurs, car, en l’état de nos connaissances, une définition selon des critères étiologiques ou physiopathologiques se révèle impossible.Sur le plan morphologique, cependant, les aspects architecturaux et cytologiques sont souvent assez différents pour permettre un diagnostic, l’expérience ayant appris que telle ou telle image microscopique est statistiquement associée à une évolution maligne alors que telle autre est significative d’un processus bénin.On peut rappeler que la plupart des jurisprudences considèrent comme une faute professionnelle grave et punissable le fait de mettre en jeu des thérapeutiques sévères, souvent dites mutilantes (chirurgie d’exérèse large, radiothérapie à hautes doses), sans que la preuve du cancer ait été apportée par l’examen microscopique d’un prélèvement.Tumeurs bénignes et tumeurs malignesLes caractères anatomopathologiques d’une tumeur permettent de reconnaître sa malignité; aucun d’eux n’est assurément spécifique, mais leur groupement est révélateur.Certains de ces caractères sont architecturaux et sont étudiés soit par la macroscopie, soit au moyen d’un faible grossissement microscopique. Ils résident en l’absence de limitation, d’encapsulation du nodule tumoral qui envoie en périphérie des prolongements radiés (c’est cet aspect de corps muni de nombreuses pattes qui valut à la maladie son nom de cancer). Ces prolongements s’infiltrent dans les tissus voisins et les détruisent petit à petit, permettant ainsi l’extension quasi illimitée du processus tumoral. Dans ce processus de croissance, les tumeurs conjonctives assurent elles-mêmes la vascularisation, souvent anarchique, qui leur est nécessaire. Les tumeurs épithéliales suscitent au contraire un tissu conjonctivo-vasculaire de soutien, le stroma.Les autres caractères sont cellulaires, et ce sont les seuls qui puissent être utilisés dans le cytodiagnostic. Les cellules malignes tendent à s’indifférencier, c’est-à-dire à prendre un aspect plus embryonnaire que celles du tissu qui leur a donné naissance. Le rapport nucléoplasmatique s’inverse: les noyaux augmentent de volume au détriment des cytoplasmes. Ces noyaux sont souvent atypiques, bizarres ou monstrueux, avec aneuploïdie (augmentation du nombre des chromosomes). Les figures de divisions cellulaires (mitoses) sont très nombreuses et fréquemment anormales (mitoses multipolaires). Il existe enfin des viciations fonctionnelles: telle cellule glandulaire perdant ses caractères sécrétoires ou, au contraire, les exacerbant, telle cellule conjonctive élaborant une substance fondamentale qualitativement ou quantitativement anormale.En réalité, ces différences structurales entre tumeurs malignes et tumeurs bénignes sont loin d’être toujours aussi claires: un processus néoplasique bénin peut tendre à simuler un cancer par sa densité cellulaire ou par l’existence d’atypies cellulaires liées à une tendance nécrobiotique, alors que certains cancers très différenciés gardent des caractères microscopiques très proches de ceux d’un tissu normal.D’une façon générale, les frontières entre les différents types de tumeurs ne sont pas toujours nettes. Ainsi la plupart des angiomes ne représentent-ils pas un néoplasme vrai mais plutôt une dysembryoplasie vasculaire plus ou moins locale ou systématisée. La distinction entre tumeur conjonctive vraie et fibromatose peut être très difficile, particulièrement chez l’enfant, ces fibromatoses étant d’origine congénitale ou consécutives à un processus inflammatoire.Il existe enfin tout un groupe de lésions, dites précancéreuses, qui ne sont pas tumorales mais dont on peut prévoir qu’elles évolueront vraisemblablement vers un cancer. Ces états précancéreux sont parfois congénitaux et peuvent être des maladies héréditaires et familiales; beaucoup plus souvent, il s’agit de lésions acquises, particulièrement fréquentes au niveau de la peau et des muqueuses et, pour cette raison, surtout étudiées par les dermatologistes. On peut en rapprocher les cancers dits in situ. Au niveau du col de l’utérus, par exemple, il s’agit d’une zone où l’épithélium de revêtement s’épaissit et présente de très intenses altérations cytologiques. Les cellules provenant de la desquamation de cet épithélium peuvent facilement être étudiées sur un frottis. Pendant de nombreuses années, les lésions n’évoluent guère et surtout se caractérisent par une absence totale d’invasion dans le tissu conjonctif sous-jacent. On sait cependant qu’un cancer vrai du col surviendra à plus ou moins longue échéance dans une proportion de cas très élevée. La connaissance de ces états précancéreux et de ces cancers in situ est très importante, car elle permet un traitement à un stade précoce.Importance de l’anatomie pathologiqueAyant subi une longue formation et portant de lourdes responsabilités, l’anatomopathologiste carcinologue ne se contente pas de prononcer un diagnostic; il peut souventapporter d’utiles données pronostiques. Elles découlent, certes, du degré d’extension de la tumeur, qu’il précise toujours: existe-t-il des zones où la résection est insuffisante? Y a-t-il des métastases ganglionnaires? Mais les caractères de la tumeur elle-même sont souvent significatifs, et un cancer est généralement d’autant plus malin qu’il est plus indifférencié. En outre, l’aspect même du stroma reflète fréquemment les modalités de défense du malade contre sa tumeur. Ainsi on a récemment montré que le pronostic de la maladie de Hodgkin repose en grande partie sur l’examen microscopique, qui, en évaluant l’abondance relative du composant lymphoïde, peut indiquer que l’évolution sera très lente ou très rapide.TechniquesLes techniques d’investigation utilisées en anatomie pathologique sont nombreuses. La macroscopie et la microscopie sont classiques. La macroscopie, étudiée depuis la plus haute antiquité, concerne l’examen organoleptique des lésions (forme, dimensions, poids, consistance, couleur). Un peu trop oubliée aujourd’hui, elle permet cependant d’orienter le diagnostic et surtout de préciser le lieu où seront effectués les prélèvements. La microscopie se sert des méthodes histologiques habituelles: fixation des prélèvements pour assurer la conservation optimale des structures tissulaires et cellulaires (divers milieux sont utilisés, le plus courant est une solution aqueuse à 10 p. 100 de formaldéhyde neutralisé); déshydratation dans l’éthanol à diverses concentrations jusqu’à l’alcool absolu; remplacement de l’alcool par un solvant de la paraffine (toluène, xylène) et inclusion en paraffine. Il faut, en effet, donner aux tissus une dureté homogène afin de pouvoir en faire des coupes épaisses de quelques microns (microtomisation). Ces coupes sont étalées sur une lame de verre et colorées par divers bains qui mettent en évidence les structures nucléaires, cytoplasmiques ainsi que les substances fondamentales. L’examen microscopique se fait par transparence, la lumière traversant la préparation avant d’entrer dans l’objectif. D’autres colorations, dites spéciales, sont à la disposition de l’histopathologiste. Leur gamme est très étendue, elles sont destinées à déterminer la présence ou l’absence de certains éléments pouvant contribuer au diagnostic (organites cellulaires, fibres, pigments, sécrétions).Plusieurs techniques permettent l’obtention en quelques minutes de documents pouvant être examinés au microscope. Elles sont employées au cours des biopsies, dites extemporanées ou peropératoires, lorsque le chirurgien a besoin de guider son intervention sur des arguments anatomopathologiques: il s’agit de savoir si la tumeur est bénigne ou maligne, si son exérèse sera suffisante selon que tous les tissus infiltrés auront ou non été réséqués. L’une de ces techniques utilise la microscopie en réflexion: une surface plane est découpée sur le prélèvement, rapidement colorée puis examinée sous un microscope de minéralogiste où la lumière incidente traverse l’objectif, se réfléchit sur cette surface, puis revient à l’objectif. Dans la microscopie ordinaire par transparence on a tendance à durcir les tissus, qui seront coupés au microtome en remplaçant la trop longue inclusion en paraffine par une congélation obtenue par une détente d’un gaz liquéfié (anhydride carbonique ou chlorure de méthyle) ou par le séjour dans une enceinte froide où est inclus le microtome (cryostat). La fiabilité de ces méthodes rapides dépasse 98 p. 100 lorsqu’elles sont pratiquées par un spécialiste bien entraîné.Au cours des dernières décennies sont venues s’ajouter à ces procédés d’investigation éprouvés diverses techniques empruntées à d’autres disciplines non seulement pour le diagnostic anatomopathologique mais aussi pour la recherche médicale: microscopie électronique, culture de tissu in vitro, histochimie et histo-enzymologie, histo-immunologie, marquage de cellules par des isotopes radio-actifs.Matériel d’étudeUn laboratoire d’anatomie pathologique reçoit deux types opposés de prélèvements, solides et liquides.Les premiers sont le plus souvent des biopsies, c’est-à-dire de petits fragments tissulaires excisés sur une lésion suspecte en vue de leur analyse au microscope. Ils donnent lieu à un acte de petite chirurgie. Les autres prélèvements solides sont représentés par les pièces opératoires, le chirurgien envoyant au laboratoire la totalité des tissus excisés. Enfin les autopsies représentent un appoint notable dans la recherche clinique carcinologique en permettant l’étude macroscopique et microscopique exacte des limites de la tumeur primitive, du siège de ses métastases, des remaniements induits par les diverses thérapeutiques, des lésions éventuelles associées au cancer et des causes immédiates du décès.Les prélèvements liquides consistent soit en sécrétions directement recueillies, cervicovaginales ou mamelonnaires – c’est la cytologie exfoliatrice –, soit en collections pathologiques (kystes ou épanchements séreux) soumises à une ponction. Le liquide est étalé sur une lame, certaines techniques permettant d’augmenter la richesse relative en cellules (centrifugation, filtration sur millipores).Classification et nomenclatureBien des axes taxonomiques peuvent être envisagés quant à la nomenclature anatomopathologique. Ainsi, certaines tumeurs ont été dénommées d’après l’observation macroscopique (sarcome botryoïde, à cause de l’aspect en grappe de raisin, variété de rhabdomyosarcome embryonnaire de l’enfant); d’autres, d’après des aspects microscopiques (épithélioma à cellules en grain d’avoine, variétés de cancer du poumon); ou encore du nom de l’auteur qui en a donné la première description (tumeur de Burkitt, variété de lymphosarcome prédominante en Afrique, par exemple).Cependant, la nomenclature est le plus souvent fondée sur l’histogenèse: une tumeur reçoit le nom du tissu ou de la lignée cellulaire dont elle provient, nom généralement suivi d’un suffixe qui indique son caractère bénin ou malin. Ainsi un rhabdomyome et un rhabdomyosarcome seront-ils respectivement la tumeur bénigne et la tumeur maligne formée de cellules musculaires striées; de même, un adénome et un adénocarcinome sont la tumeur bénigne et la tumeur maligne née d’un parenchyme glandulaire.Mais le vocabulaire reste souvent hétérogène et illogique. Cela s’explique par la longue histoire d’une discipline dont les premiers rudiments remontent à Hippocrate (400 av. J.-C.) et dont l’élaboration scientifique a commencé au XVIIIe (G. Morgagnini) et au début du XIXe siècle (R. Laennec, R. Virchow). Bien des noms proposés par les anciens reposaient sur une hypothèse histogénétique aujourd’hui déniée, mais ils continuent d’être utilisés par tradition. Ainsi la forme banale de cancer du rein porte-t-elle encore le nom d’hypernéphrome proposé par Grawitz (1883), car cet auteur en voyait l’origine dans des résidus de la glande surrénale inclus dans le rein alors qu’il s’agit, en réalité, d’un cancer né du tubule rénal proprement dit. En outre, il existe de multiples synonymes: c’est ainsi que, pour désigner la tumeur bénigne née des gaines des nerfs, on aura «neurinome», «neurilemmome», «schwannome», «gliome périphérique», et ainsi de suite.Un gros effort a été fait pour unifier et internationaliser cette nomenclature, en particulier sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé.2. Tumeurs et hémolymphopathies des animauxCaractères générauxBien qu’il soit difficile d’obtenir des données statistiques, les résultats des enquêtes illustrent parfaitement l’importance de la pathologie tumorale chez les animaux. Ils mettent aussi en évidence que les fréquences et le type des tumeurs et hémopathies malignes sont sous la dépendance de différents facteurs.Tous les groupes zoologiques, Insectes, Batraciens, Oiseaux et Mammifères notamment, sont atteints, mais la fréquence des divers types de tumeurs varie suivant les espèces: les hémopathies sont très fréquentes chez les oiseaux, le chat, les bovins; les tumeurs épithéliales et conjonctives chez le chien, les tumeurs génito-urinaires chez le chien, le cheval, le porc. Inversement, les tumeurs épithéliales sont rares chez le porc, les tumeurs utérines rares, dans l’ensemble, chez les animaux.La fréquence globale des tumeurs et hémopathies pour 100 000 sujets est la suivante pour les principales espèces domestiques: chien, 4; chat, 1,5; cheval, 0,5; porc, 0,03; bovins, 0,02; petits ruminants, 0,01.La mise en évidence des facteurs héréditaires dans l’apparition du cancer chez l’animal a été faite depuis longtemps. Leur étude est une des voies actuelles de la cancérologie expérimentale et se poursuit notamment sur les lignées consanguines de Rongeurs, caractérisées par des taux très élevés ou très faibles de tumeurs ou d’hémolymphopathies.En ce qui concerne les animaux domestiques (bovins, ovins, porcins), l’amélioration zootechnique qui renforce l’homogénéité des races, sans cependant atteindre le haut degré de consanguinité des lignées murines, augmente l’influence des facteurs génétiques. Chez les espèces de compagnie, il semble que le chien boxer soit plus communément atteint que le teckel. Pour le chat, on ne possède aucun renseignement.Si l’influence du sexe est évidente pour les tumeurs génitales, le sexe ne semble pas intervenir de manière significative pour les autres.Si l’on excepte certaines hémolymphopathies aviaires, la fréquence des tumeurs animales augmente avec l’âge.En ce qui concerne les agents infectieux, seuls les virus doivent être, à l’heure actuelle, pris en considération dans l’étiologie de certaines tumeurs (malignes ou bénignes) et hémolymphopathies animales. Cette étiologie virale est certaine dans le cas du carcinome rénal de Lucké de la grenouille, du fibrome et du papillome de Shope du lapin, du papillome des bovins et du chien, des hémolymphopathies aviaires, des épithéliomas mammaires de la souris, du polyome de la souris, des hémolymphopathies de la souris, du cobaye et du chat.À côté des tumeurs qui apparaissent spontanément, beaucoup d’autres peuvent être induites par des agents physiques, chimiques ou par des virus. Bon nombre de ces tumeurs, spontanées ou induites, peuvent être transplantées chez les animaux de même espèce par greffe, c’est-à-dire par inoculation de cellules ou de tissus tumoraux vivants. Au moins une centaine de tumeurs transplantables, toujours disponibles, présentent un grand intérêt en cancérologie expérimentale; elles permettent notamment de vérifier chez l’animal l’efficacité éventuelle de nouvelles thérapeutiques anticancéreuses.Principales tumeurs solidesLes tumeurs dont il est ici question sont celles qui présentent un intérêt sur le plan biomédical et celles dont la fréquence entraîne une incidence économique. De plus sont seuls considérés les animaux domestiques, les animaux de compagnie et les animaux de laboratoire.Le développement des concepts et des techniques permettant de découvrir progressivement l’origine virale de tumeurs dont l’étiologie était, jusqu’à ce jour, inconnue, on ne décrira pas séparément les tumeurs d’origine virale et celles d’origine non virale. Traiter séparément des tumeurs bénignes et des tumeurs malignes serait illogique puisqu’un certain nombre de tumeurs bénignes évoluent parfois vers la malignité. Les tumeurs retenues seront étudiées par appareils, organes ou tissus, en précisant les principales espèces atteintes et les caractéristiques cliniques, anatomiques et évolutives essentielles.Tumeurs de la peauPapillome des bovinsLa structure histologique des papillomes des bovins est tout à fait semblable à celle des papillomatoses étudiées dans l’article PAPILLOMES VIRAUX. Il s’agit d’une tumeur connue depuis fort longtemps et qui affecte de nombreux troupeaux avec une fréquence variable, et pouvant atteindre le tiers de l’effectif dans différentes parties du monde (France, États-Unis, Europe centrale). Cette maladie bénigne se traduit par des proliférations multiples, surtout au niveau de la tête et du cou, de la taille d’une noix, plus ou moins confluentes. Elles peuvent régresser ou persister sans autres dommages pour l’animal. Ces papillomatoses sont provoquées par un virus transmissible de bovin à bovin, et expérimentalement à la souris, au rat et au hamster.Fibrome et papillome de Shope du lapinLe fibrome est une tumeur sous-cutanée du lapin domestique et du lapin sauvage. Cette tumeur, d’étiologie virale, est bénigne, et elle régresse en dix ou quinze jours.Le papillome est une tumeur cutanée du lapin Cottontail (Sylvilagus floridanus ). D’origine virale, elle évolue vers la malignité dans 25 p. 100 des cas.Il faut souligner que la myxomatose du lapin n’est pas une affection tumorale mais une maladie infectieuse provoquée par un virus de la même famille que les agents responsables du fibrome et du papillome de Shope (Poxvirus ).Mastocytome du chienLe mastocytome du chien est une affection qui se caractérise cliniquement par l’apparition de tumeurs cutanées multiples qui soulèvent le tégument; elles sont constituées par des mastocytes. Les lésions sont accompagnées d’adénopathies multiples. La maladie s’observe aussi chez les bovins et chez le chat. En réalité, c’est une hémopathie avec présence anormale d’un nombre élevé de mastocytes dans le sang (leucose à mascocytes). Elle serait transmise par ultrafiltrats, ce qui amène l’hypothèse d’une origine virale.Tumeurs pulmonairesL’adénomatose pulmonaire du mouton est caractérisée par la prolifération adénomateuse de l’épithélium alvéolaire et bronchiolaire, qui entraîne la mort des animaux en deux à trois mois. Les lésions peuvent gagner les ganglions trachéo-bronchiques, et c’est pourquoi la maladie est parfois considérée comme néoplasique. Cette affection, dont l’étiologie virale est supposée, quoique non démontrée, sévit à l’état enzootique dans certaines régions du monde (Afrique du Sud, Allemagne, France), où elle a une incidence économique non négligeable.Tumeurs du tissu osseuxL’ostéosarcome ou sarcome ostéogénique du chien est une tumeur maligne qui représente environ 4 p. 100 des tumeurs observées chez cette espèce, soit 0,02 p. 100 de la morbidité totale. Les races de grande taille (dogue, barzoï) sont beaucoup plus fréquemment atteintes (rapport de 30 à 1) que les races de petite taille (terriers, teckel). La tumeur se développe surtout chez les animaux âgés de cinq à dix ans (fréquence maximale entre sept et huit ans). Elle siège au niveau des métaphyses supérieures de l’humérus et inférieures du radius; le bipède antérieur est plus souvent atteint que le bipède postérieur. Cela met en lumière le rôle des facteurs mécaniques (réception du poids du corps lors du déplacement). Cette tumeur présente de grandes analogies avec l’ostéosarcome de l’homme.Tumeurs du tissu musculaireLe rhabdomyosarcome viral de la souris est une tumeur du muscle strié qui est induite par un virus (Mouse Sarcoma Virus ) très proche du point de vue morphologique et immunologique des virus leucémogènes de la souris. L’injection intramusculaire ou sous-cutanée d’une suspension de virus à la souris, au rat et au hamster nouveau-nés est suivie dans un délai de une à trois semaines, selon la voie empruntée, par l’apparition de tumeurs au point d’inoculation. Ces tumeurs envahissent les tissus voisins et envoient des métastases surtout dans les poumons et dans la rate. L’histologie est celle des cellules indifférenciées, de taille très inégale mais montrant souvent une striation plus ou moins anarchique rappelant celle de la fibre musculaire striée.Tumeurs diverses du tissu conjonctifIl existe une série de sarcomes provoqués chez diverses espèces animales par des virus voisins des virus leucémogènes et qui peuvent être expérimentalement reproduits:– Le fibrosarcome et le myxosarcome du poulet sont des tumeurs induites par le virus du sarcome de Rous. Le canard, la dinde, la caille et le pigeon sont également sensibles à certaines souches de ce virus.– Le fibrosarcome du chat a été transmis expérimentalement en 1969. L’inoculation du virus responsable (Feline Sarcoma Virus ) provoque des sarcomes chez le chien ainsi que chez le marmouset (singe d’origine sud-américaine).Tumeurs de l’appareil digestif et de ses glandes annexesLes hépatomes sont fréquents dans certaines souches consanguines de souris (jusqu’à 40 p. 100 des animaux dans la souche C3H). Ces tumeurs se caractérisent par une augmentation du volume du foie. L’aspect microscopique est très variable; cependant il n’y a pratiquement jamais de métastases.Au cours des recherches qui ont permis de mettre en évidence l’étiologie virale des leucoses de la souris, on a découvert un autre virus (Polyoma Virus ), proche de celui des papillomatoses et du Simian Virus 40 du singe (Papova Virus ): inoculé à la souris et au hamster, il provoque l’apparition de tumeurs, au niveau des glandes salivaires (parotides), mais aussi au niveau d’autres tissus et organes.Tumeurs de l’appareil urinaireNéphroblastome du porcLe néphroblastome du porc est une tumeur congénitale relativement fréquente, d’origine embryologique (blastème néphrogène) et de nature mésenchymateuse, ce qui la différencie des tératomes vrais. Cette tumeur, en général unilatérale, peut atteindre une taille considérable. Elle essaime fréquemment dans les poumons et le foie. Du point de vue histologique, le tissu est surtout constitué d’éléments rénaux primitifs.Papillomes de la vessie des bovinsLes papillomes de la vessie des bovins se présentent comme des proliférations siégeant sur la face interne de l’organe, entraînant des hémorragies qui provoquent une anémie progressive des animaux (hématurie essentielle des bovidés). Les néoformations évoluent souvent vers la malignité (épithéliomas) avec métastases dans les ganglions voisins. On a envisagé, sans preuve définitive, le rôle de certaines plantes, de substances chimiques et du virus de la papillomatose cutanée des bovins dans l’étiologie, encore obscure, de ces tumeurs.Tumeurs des voies génitalesLe sarcome de Sticker du chienLe sarcome de Sticker du chien est encore appelé «sarcome vénérien». De consistance molle, friable, saignant facilement, cette tumeur siège chez le mâle à la base du pénis et chez la femelle au niveau du vestibule ou dans la cavité vaginale; en partie dorsale surtout, elle ne donne pratiquement jamais de métastases. Il s’agit d’une tumeur bénigne, de nature réticulaire, qui guérit définitivement après radiothérapie locale. C’est la seule tumeur animale spontanée qui se transmette au cours du coït (méritant ainsi son qualificatif de vénérien) par greffe de cellules; on n’a encore isolé aucun virus responsable de la tumeur.Les tumeurs mammaires de la chienneLes tumeurs mammaires constituent près du quart de toutes les tumeurs observées chez la chienne; c’est donc souligner leur importance clinique. Ces tumeurs apparaissent aussi chez la chatte, mais beaucoup moins fréquemment. Elles peuvent être bénignes ou malignes. En général, les tumeurs bénignes, bien que d’un volume souvent important, demeurent relativement circonscrites. En ce qui concerne les tumeurs malignes, il n’existe aucune sensibilité particulière à certaines races, mais diverses familles apparaissent plus affectées. Chez la moitié des animaux atteints, plusieurs mamelles sont simultanément touchées. Ces tumeurs envahissent les ganglions lymphatiques locaux et envoient des métastases surtout dans le parenchyme pulmonaire. Du point de vue histologique, les tumeurs mammaires ont une structure variable: épithéliale, myoépithéliale ou mixte (fibroadénocarcinomes). De nombreux auteurs ont essayé d’expliquer la haute fréquence des tumeurs mammaires chez la chienne par un dysfonctionnement endocrinien. Cette hypothèse est rejetée; mais l’ovariectomie diminue considérablement le risque d’apparition.Les tumeurs mammaires de la sourisLes tumeurs mammaires de la souris sont, en général, des épithéliomas. Ils apparaissent avec une grande fréquence chez les femelles adultes de certaines souches consanguines de souris (C3H, A). On a démontré, depuis longtemps, la transmission par le lait maternel d’un virus (Bittner), qui agit à condition que le patrimoine génétique (génotype) de l’animal soit favorable. D’autres agents viraux ont aussi été découverts: virus N.I. (transmis par le lait) et virus G.R. (transmis au travers du placenta et par le lait).Ces tumeurs, très intéressantes sur le plan des recherches expérimentales, présentent cependant des différences avec les tumeurs du sein de la femme. Ces différences portent sur le type histologique (le processus frappe chez l’animal les cellules sécrétrices plutôt que les cellules des canaux galactophores) et sur la localisation des métastases (absence de métastases ganglionnaires et présence de métastases pulmonaires chez la souris).3. Les processus métastatiquesLe terme de métastase fut proposé en 1829 par Joseph Claude Récamier qui fut le premier, dans son traité Recherches du cancer , à montrer, par des observations anatomiques, que les métastases provenaient de l’émigration des cellules cancéreuses hors de la tumeur primaire et de leur greffe dans des organes distants de celui qui abrite le cancer primitif. Auparavant, chirurgiens et anatomistes s’accordaient à penser que l’invasion cancéreuse dans les tissus et les ganglions lymphatiques proches de la tumeur résultait du débordement anarchique de celle-ci, et que, par contre, la coexistence de plusieurs tumeurs dans des organes éloignés les uns des autres était due à des processus cancérigènes indépendants. Aujourd’hui, après des années de recherches médicales consacrées à ce sujet, la métastase nous apparaît véritablement comme un phénomène actif et non pas comme la simple conséquence de la croissance tumorale. On peut la définir comme une série d’événements au cours desquels la cellule cancéreuse aura à franchir un certain nombre de barrières avant de réussir à s’implanter durablement dans un site métastatique, pour y former une tumeur secondaire. Ainsi, on a pu calculer que moins d’une cellule sur dix mille qui quittent une tumeur primaire donnera naissance à une colonie métastatique. Malgré le faible rendement du processus métastatique, il n’en demeure pas moins globalement efficace et menaçant. En effet, c’est la cause principale de mortalité du cancer. Cela est essentiellement dû au fait que beaucoup de malades, au moment où le diagnostic de cancer est posé, présentent déjà des métastases occultes (micrométastases) ou détectables. Le traitement chirurgical ou radiothérapique du cancer n’éradiquera donc que la tumeur primaire en laissant en place les tumeurs secondaires, souvent nombreuses, qui pourront se développer et pour lesquelles on ne peut recourir qu’à des traitements chimiothérapiques, moins efficaces et moins bien tolérés que la chirurgie. En raison de la précocité de la dissémination tumorale au cours de la maladie cancéreuse, il semble peu probable que des traitements préventifs de la métastase, qu’il reste encore à trouver, puissent être actifs sur l’ensemble des malades atteints d’un cancer. On peut cependant espérer, par ce type de thérapeutique, bloquer les étapes terminales du processus métastatique, si elles ne se sont pas encore produites, ou enrayer l’apparition de tumeurs tertiaires, provenant de la dissémination de cellules cancéreuses hors des tumeurs secondaires. C’est pour ces raisons que nombre de scientifiques s’acharnent à comprendre les mécanismes biologiques de la métastase.Modèles expérimentauxDeux types d’expérimentations sont actuellement utilisés. Le premier utilise des techniques de culture cellulaire in vitro. Dans ce cas, la capacité des cellules tumorales à envahir des structures adjacentes ou à disséminer est jugée par différents tests: les cellules tumorales peuvent être placées sur des gels tridimensionnels de collagène, sur des filtres de cellulose à pores calibrés, sur des membranes biologiques, comme la membrane amniotique, ou confrontées, dans des cultures organotypiques, avec des fragments d’organes normaux, embryonnaires ou adultes. On mesure, dans ce type de tests, le pourcentage de cellules tumorales ayant traversé la barrière biologique ou artificielle (filtre, membrane, etc.) ou ayant pénétré dans la structure adjacente (gel ou organe). Il est clair que cette approche expérimentale est incomplète et ne rend que très partiellement compte des propriétés des cellules tumorales qui sont mises en jeu lors de la métastase. On a donc parallèlement développé l’expérimentation animale comme étant la plus apte à reproduire fidèlement la pathogenèse de la métastase tumorale. On a récemment découvert que les souris privées de leur thymus (athymiques) sont incapables de rejeter des hétérogreffes, en particulier de matériel humain, ce qui a considérablement élargi l’utilisation de l’expérimentation animale. Deux types d’essais sont couramment pratiqués: le test dit de «métastase expérimentale» consiste à injecter les cellules tumorales directement dans la circulation sanguine de l’animal, alors que, dans le test dit de «métastase spontanée», les cellules tumorales sont injectées dans un tissu (le derme, en général) où elles forment une tumeur primaire avant, éventuellement, de métastaser. Un certain nombre de travaux récents montrent que la métastase spontanée devrait, en principe, se pratiquer par injection orthotopique, les cellules tumorales étant alors injectées dans le tissu ou l’organe dont elles proviennent (par exemple, des cellules de cancer du sein seraient injectées dans la glande mammaire de l’animal).La dynamique du processus métastatiqueLe schéma que l’on peut donner dérive principalement d’études anatomo-pathologiques réalisées sur des biopsies humaines ou des prélèvements animaux. On a pu mettre en évidence le fait que la métastase est un phénomène actif, qui comporte un certain nombre d’étapes successives, dont certaines peuvent être qualifiées de phases d’invasion tumorale (fig. 1). Les cellules cancéreuses se dissocient d’abord de la masse tumorale pour pénétrer, à travers la paroi capillaire, dans la circulation sanguine ou lymphatique. Dans la mesure où les tumeurs sont capables d’induire la formation de leurs propres vaisseaux sanguins, et que ceux-ci sont particulièrement perméables, les cellules malignes peuvent aisément pénétrer dans la circulation sanguine générale par cette voie. Par contre, puisque les tumeurs ne fabriquent pas leurs propres vaisseaux lymphatiques, les cellules cancéreuses ont nécessairement à accomplir une étape d’invasion dans le parenchyme de l’hôte où elles trouveront les portes d’entrée lymphatique. Le transport sanguin et lymphatique s’opère sous forme de cellules isolées ou de microembolies constituées de quelques cellules agglomérées. Le transport lymphatique explique la fréquence des métastases ganglionnaires. En ce qui concerne le transport sanguin, des considérations d’anatomie circulatoire permettent de comprendre que les cellules cancéreuses seront véhiculées jusqu’au cœur, et qu’elles ne seront stoppées qu’en aval de celui-ci. C’est pourquoi la plupart des cancers provoquent des métastases pulmonaires, exception faite des cancers du colon qui donnent naissance à des métastases hépatiques parce que le sang intestinal est d’abord drainé dans le foie. De par leur taille, les microembolies sont arrêtées dans les plus fins capillaires, alors que les cellules isolées devront utiliser un mécanisme actif pour s’accrocher à la paroi des vaisseaux. Quoi qu’il en soit, la plupart des cellules tumorales arrêtées dans la circulation mourront sur place, victimes de perturbations mécaniques ou du système immunitaire de l’hôte. Seules quelques-unes d’entre elles parviendront à traverser la paroi du vaisseau et à s’échapper ainsi de la circulation. La greffe cancéreuse dans le tissu adjacent au vaisseau perforé dépend, là encore, d’une étape d’invasion du parenchyme de l’organe accepteur. La croissance des cellules tumorales dans ce nouveau milieu n’est pas assurée: elle est influencée directement par les conditions locales (facteurs de croissance, hormones, etc.), qui peuvent se révéler défavorables à la prolifération tumorale. Une fois implantée, la tumeur secondaire peut, elle aussi, donner naissance à des métastases, qui sont alors qualifiées de tumeurs tertiaires.Le phénotype métastatiqueLa mise en culture in vitro des tumeurs animales ou humaines et le clonage des cellules tumorales en vue d’obtenir différentes lignées cellulaires, chacune étant issue d’une seule cellule, ont livré certains enseignements. La notion d’hétérogénéité des tumeurs a été confirmée, et la nature «oligoclonale» de la métastase affirmée. Cela signifie que, dans une population tumorale, seules certaines cellules possèdent des propriétés intrinsèques qui les rendent aptes à métastaser. Selon des observations déjà anciennes, il apparaît que, plus la cellule tumorale perd ses caractéristiques de cellule différenciée, fonctionnelle, plus sa malignité est grande. Il existe donc clairement une corrélation entre l’état dans lequel se trouve la cellule tumorale, qui est génotypiquement et phénotypiquement instable, et ses capacités métastatiques. La question que l’on peut alors se poser est de savoir si les nouvelles propriétés sont acquises par un petit nombre de cellules, dès les premières phases de la tumorigenèse, ou si les cellules à fort pouvoir métastatique apparaissent progressivement et sont sélectionnées, au sein de la population tumorale, par la pression de l’environnement. Il faut, par ailleurs, considérer le fait que la cascade des étapes que la cellule tumorale doit franchir avant de pouvoir former une tumeur secondaire est d’une grande complexité, et donc que la cellule tumorale aura à ajuster à tout moment de cette cascade ses propriétés intrinsèques aux caractéristiques de son environnement. Ces considérations ont conduit à penser que le phénotype métastatique, qui s’exprime par un vaste répertoire de propriétés cellulaires particulières, pourrait être contrôlé par un ou plusieurs gènes régulateurs. L’activation de ces gènes serait le moteur qui permettrait le déclenchement du programme métastatique. Les oncogènes occupent une place privilégiée parmi les gènes qui pourraient jouer le rôle d’inducteurs généraux de la métastase. En effet, la transfection de certains oncogènes, c’est-à-dire leur introduction expérimentale dans la cellule, induit un comportement métastatique des cellules transfectées. Ainsi, la transfection des oncogènes ras , mos , fes , fms , src , myc , fos , erb-B-2 est-elle accompagnée, en général, d’une augmentation du pouvoir métastatique des lignées cellulaires dans lesquelles ces oncogènes s’expriment. L’oncogène ras pourrait correspondre à un carrefour important, puisqu’il contrôle l’effet d’un certain nombre d’autres oncogènes. En effet, la micro-injection d’anticorps dirigés contre la protéine p 21ras abolit l’effet transformant de src , fes et fms . Ces oncogènes codent pour des protéines qui correspondent à des variants dérégulés de proto-oncogènes. Ces derniers intervenant de façon ubiquitaire dans les grandes fonctions cellulaires [cf. ONCOGENÈSE], il reste à comprendre comment la dérégulation de ces protéines peut être impliquée dans la genèse du phénotype métastatique.Les anti-oncogènes [cf. ONCOGENÈSE] pourraient aussi, directement ou indirectement, intervenir dans la progression vers la métastase. Ainsi, les mutations du gène suppresseur de tumeurs p 53 provoquent-elles une augmentation du pouvoir métastatique. Le gène nm-23, quant à lui, fut identifié par Patricia Steeg et Lance Liotta sur la base d’une diminution de son expression dans les lignées de mélanome hautement malignes. Malheureusement, le clonage de ce gène a révélé qu’il code pour une enzyme ubiquitaire, la nucléoside diphosphate kinase, dont on comprend mal le rôle de suppresseur de métastase. De plus, il ne semble pas qu’il existe de corrélation stricte entre des taux faibles d’expression de nm-23 et une propension des tumeurs à métastaser. Le cas du gène H-2K du complexe majeur d’histocompatibilité est également troublant. En effet, l’allèle b de ce gène a été décrit comme suppresseur de métastases mais, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, ce gène n’agirait pas par le biais d’un renforcement des défenses immunitaires. Ces exemples montrent qu’il reste beaucoup à faire pour caractériser d’éventuels régulateurs négatifs du processus métastatique.L’acquisition, par une cellule tumorale, d’un pouvoir métastatique élevé ne garantit pas à cette cellule qu’elle donnera effectivement naissance à une tumeur secondaire. En effet, la métastase est une cascade d’étapes différentes, dont chacune représente un microsystème particulier, mettant en jeu des interactions à chaque fois différentes entre la cellule tumorale et son environnement. C’est sans doute pour cette raison que la métastase cancéreuse est un phénomène globalement inefficace. On a, en effet, pu calculer que plus de 90 p. 100 des cellules tumorales ayant atteint la circulation sanguine ou lymphatique ne survivent pas au-delà. Ce faible rendement est évidemment lié à la réaction immunitaire que l’hôte développe contre ses propres cellules tumorales et à la destruction mécanique des embols cancéreux dans les petits capillaires. Mais un autre fait doit être pris également en compte: toutes les cellules tumorales ne sont pas capables de s’adapter aux microenvironnements variés dans lesquels elles seront amenées à vivre. L’examen des différentes étapes de la cascade métastatique et des milieux dans lesquels elles se déroulent permet de mettre en lumière les propriétés cellulaires indispensables à la survie des cellules tumorales et à leur progression vers l’étape suivante de la métastase.Les étapes d’invasion tumoraleÀ divers moments de son parcours (entrée et sortie de la circulation au travers de la paroi des vaisseaux, pénétration dans le parenchyme), la cellule tumorale doit manifester des propriétés comparables à celles qui sont mises en œuvre lors des processus invasifs. Les mécanismes cellulaires qui rentrent en jeu à ce stade sont complexes et multiples. Certains d’entre eux commencent à être mieux connus.Les interactions cellulairesPour qu’un groupe de cellules se détache d’une masse tumorale, il faut qu’il perde momentanément les connections qui le relient à l’ensemble tumoral, et donc que les molécules chargées de cette adhérence intercellulaire soient mises hors d’état de fonctionner normalement. Inversement, les étapes d’intravasation et d’extravasation sanguine et lymphatique sont en général précédées d’une phase initiale d’attachement de la cellule tumorale aux cellules endothéliales qui forment la paroi capillaire. Il faut donc que des mécanismes cellulaires assurent l’adhérence entre cellules tumorales et cellules endothéliales.La dissociation cellulaire, qui a lieu lors du détachement de certaines cellules tumorales, dépend très étroitement de l’existence de molécules d’adhérence cellulaire (les CAM) exprimées à la surface cellulaire (fig. 2). En particulier, les cadhérines, CAM homophiliques dont la fonction dépend de la présence de calcium extracellulaire, assurent une reconnaissance et une liaison intercellulaire spécifiques, dont l’importance au cours de l’embryogenèse a été clairement démontrée. Comme l’ont montré différent travaux menés depuis quelques années par les groupes de Matsatoshi Takeichi au Japon et de Walter Birchmeier en Allemagne, le dysfonctionnement de ces cadhérines apparaît comme une des causes majeures de la dissociation cellulaire. Un certain nombre d’expériences et d’observations anatomo-pathologiques ont prouvé que le potentiel invasif et métastatique des tumeurs est d’autant plus grand que la quantité de cadhérines exprimées par les cellules cancéreuses est faible. Parfois, la quantité de cadhérines exprimées par la cellule métastatique est normale, mais la fonction adhésive de ces molécules est altérée soit par modifications de la structure protéique (phosphorylations, coupures enzymatiques, mutations ponctuelles, etc.), soit par absence ou dysfonctionnement des caténines (protéines cytoplasmiques qui ancrent les cadhérines au cytosquelette d’actine). De récentes découvertes indiquent que, outre leur rôle de régulateurs négatifs de la dissémination métastatique, les complexes adhésifs intercellulaires riches en cadhérines pourraient également intervenir pour limiter la prolifération tumorale.La grande famille multigénique des cadhérines ne serait pas le seul groupe des CAM à être touché lors de la progression tumorale. Les CAM de la superfamille des immunoglobulines, dont la fonction ne requiert pas la présence de calcium, pourraient également être impliquées dans le contrôle négatif de la progression tumorale: le gène DCC (délété dans les carcinomes coliques), qui code pour une CAM indépendante du calcium, est un gène suppresseur des cancers colorectaux.D’autres molécules d’adhérence sont impliquées dans les interactions entre cellules tumorales et cellules endothéliales des parois vasculaires, interactions indispensables aux étapes d’intravasation et d’extravasation des cellules tumorales. En effet, ce n’est que lorsque la cellule tumorale a adhéré aux cellules endothéliales de la paroi vasculaire que celles-ci peuvent se rétracter, créant ainsi un orifice dans la paroi à travers lequel la cellule tumorale pourra se faufiler. Il est frappant de constater à quel point l’extravasation des cellules tumorales présente des analogies avec l’extravasation des leucocytes qui se produit dans les tissus qui sont le siège de phénomènes inflammatoires. Effectivement, les cellules tumorales sont équipées des mêmes molécules d’adhérence intercellulaire que celles qui permettent aux globules blancs d’adhérer à la paroi des vaisseaux. Ce sont, en particulier, des CAM de la famille des sélectines qui possèdent en commun la propriété de se lier à des carbohydrates. Dans la mesure où ces molécules sont exprimées également par des cellules normales et assurent une fonction normale d’adhésion cellulaire, elles ne correspondent pas à des marqueurs de malignité. Par conséquent, abolir leur fonction à des fins thérapeutiques risquerait d’entraver gravement la physiologie des cellules non cancéreuses. C’est pourquoi, lorsque Ursula Gunthert publia en 1991 que le comportement métastatique dépendait de l’expression d’isoformes particulières d’une CAM lymphocytaire, connue sous le nom de CD44, la découverte souleva une vague d’enthousiasme. Malheureusement, on s’aperçut ensuite que les lymphocytes activés et les macrophages pouvaient exprimer les mêmes isoformes de CD44 que les cellules tumorales. Si elle existe, la CAM impliquée exclusivement dans les processus métastatiques reste donc à découvrir.Une autre famille de molécules d’adhérence occupe une place non négligeable dans les interactions que les cellules tumorales établissent, au cours de leur migration, avec le milieu environnant: il s’agit de la famille des intégrines, connue comme un ensemble de protéines membranaires hétérodimériques dont la fonction essentielle est de servir de récepteurs cellulaires aux différents composants de la matrice extracellulaire. Mais, de plus, ces intégrines ne se contentent pas de servir de liens mécanico-chimiques entre l’extérieur et l’intérieur de la cellule: elles sont capables, en effet, lorsqu’elles sont activées par la fixation de leur ligand, d’envoyer des messages dans la cellule, qui permettent la transcription d’un certain nombre de gènes particuliers. Le fait que, dans beaucoup de tumeurs, l’expression des intégrines soit altérée et que, de plus, il y ait une relation directe entre l’importance de ces altérations et la malignité de la tumeur donne à penser qu’un déséquilibre marqué dans l’expression des intégrines retentit sur les propriétés tumorales. Cependant, il se pourrait que les défauts de synthèse et d’expression des intégrines ne soient qu’un reflet de la transformation cancéreuse et ne correspondent nullement à une cause de progression vers l’état métastatique.Dégradation du tissu conjonctifUne fois la barrière de cellules endothéliales franchie par les cellules tumorales, celles-ci se trouvent confrontées à un lame conjonctive dense (la lame basale) qu’il leur faudra perforer pour s’échapper. Un des moyens mis en œuvre dans ce but est la sécrétion d’enzymes de dégradation de la lame basale. Ces enzymes protéolytiques peuvent être produites par les cellules tumorales elles-mêmes ou par les cellules fibroblastiques incluses dans le stroma tumoral. Quoi qu’il en soit, une surproduction de protéases est toujours associée à un processus invasif. L’activité protéolytique tumorale se distingue des protéolyses normales, telles qu’elles s’observent dans un certain nombre de conditions (l’implantation trophoblastique, par exemple), dans la mesure où ces dernières sont des phénomènes étroitement contrôlés et donc limités, contrairement à la production tumorale de protéases qui n’obéit à aucune régulation normale.Parmi les protéases, il en est qui ont soulevé un intérêt considérable, car leur hyperproduction est clairement liée à une augmentation du pouvoir invasif et métastatique de la tumeur. Un exemple en est l’activateur du plasminogène, ou urokinase, dont la fonction est de convertir, par clivage enzymatique, le plasminogène en plasmine, mais qui dégrade également la fibrine, le collagène de type IV, la fibronectine, la laminine et qui active aussi la collagénase sous sa forme latente. En 1990, les travaux de Yu et Schultz ont établi que la métastase expérimentale et spontanée de mélanomes murins dépendait directement de la production d’urokinase par la tumeur. Il est intéressant de signaler que la synthèse de cette enzyme pourrait être favorisée par un certain nombre de facteurs de croissance ou d’hormones (interféron- 塚, œstrogènes, interleukine-1, etc.), facteurs dont on connaît par ailleurs le rôle dans la croissance tumorale. Il existe des inhibiteurs naturels spécifiques de l’urokinase, dont certains se trouvent dans la matrice extracellulaire, aux points de contact avec les cellules cancéreuses. Le rapport entre les quantités d’urokinase active et ses inhibiteurs spécifiques constitue un bon critère permettant d’apprécier l’activité protéolytique tumorale et, partant de là, le pouvoir invasif de la tumeur.Des métalloprotéases dégradant les composants de la matrice extracellulaire sont également connues pour être surexprimées par certaines tumeurs: la collagénase de type IV en est un exemple. Cette enzyme, de par sa spécificité de substrat, est capable de dégrader les lames basales riches en collagène IV. Elle est particulièrement abondante dans les tumeurs invasives et se trouve en général localisée à la surface des cellules tumorales. Comme pour l’urokinase, il existe des inhibiteurs de la collagénase IV, appelés Timp. Là encore, le contrôle de l’activité protéolytique de la métalloprotéase par ses inhibiteurs est un élément essentiel du phénomène invasif. En effet, l’abolition de l’activité de Timp-1 par la transfection d’un plasmide codant pour des ARNm antisens anti-Timp-1 augmente notablement le pouvoir métastatique des cellules transfectées. Inversement, du Timp-2 purifié est capable, tout comme des anticorps anticollagénase IV, d’inhiber l’invasion de cellules de fibrosarcome à travers des lames basales reconstituées in vitro.De nombreuses autres protéases sont également connues pour favoriser la progression maligne: les stromélysines, les cathepsines B et D surexprimées et sécrétées par les tumeurs malignes. Il convient de noter que Paul Basset a montré récemment que la stromélysine 3, une métalloprotéase particulière, n’est produite que par les cellules stromales qui se trouvent au voisinage direct des cellules tumorales les plus agressives. D’autres exemples sont venus appuyer cette observation, et l’on peut donc dire que, dans certains cas, le stroma conjonctif particulier qui se développe autour des cellules tumorales est directement responsable des remodelages tissulaires qui se produisent lors de l’invasion tumorale.La mobilité cellulaireDans l’organisme normal, seuls certains types de cellules sont spontanément mobiles. Les fibroblastes, les cellules du système hématopoïétique, par exemple, sont capables de se déplacer, alors que les cellules épithéliales sont dépouvues de telles capacités. Or il est clair que la métastase tumorale comprend des phases de migration, au moment où les cellules cancéreuses quittent leur site primaire (fig. 3) et lorsqu’elles atteignent leur site secondaire. Dans la mesure où plus de 90 p. 100 des tumeurs humaines sont des carcinomes, dérivés de tissus épithéliaux, on doit donc s’interroger sur les moyens mis en œuvre par ces tumeurs pour acquérir des capacités migratoires. Différents facteurs solubles susceptibles d’induire la mobilité de cellules tumorales ont été identifiés. Certains d’entre eux sont aussi des cytokines, capables d’induire la prolifération cellulaire. Ces facteurs agissent par un mécanisme autocrine (le facteur étant actif sur la cellule qui le sécrète) ou paracrine (les cellules productrices étant alors au voisinage des cellules sensibles au facteur soluble).Les facteurs autocrines de mobilitéLe facteur autocrine de mobilité (autocrine motility factor ou A.M.F.) stimule la chimiocinèse (migration non directionnelle) et la chimiotaxie (migration orientée) des cellules de mélanome par lesquelles ce facteur de 55 kD est sécrété. L’A.M.F. sécrété se lie aux récepteurs exprimés par les cellules productrices d’A.M.F.: c’est donc par un mécanisme autocrine que ce facteur agit. Ce facteur agit également sur des types cellulaires autres que les mélanomes puisque Lance Liotta a montré que l’A.M.F. est retrouvé dans les urines de patients atteints de cancer de la vessie et que la concentration urinaire d’A.M.F. est un bon indicateur de la sévérité de la maladie.Le facteur stimulant la migration (migration-stimulating factor ou M.S.F.) est également un facteur autocrine, produit par les cellules sur lesquelles il agit. Contrairement à l’A.M.F., il n’est pas sécrété par les cellules tumorales mais par les fibroblastes dont il stimule la mobilité. Ce facteur aurait donc un rôle à jouer dans la constitution du stroma tumoral, riche en fibroblastes aux propriétés très particulières.Les facteurs paracrinesLe facteur de dispersion (scatter factor ou S.F.) est produit par les fibroblastes et induit la dispersion de cellules épithéliales normales et transformées. C’est un facteur qui, à lui seul, est capable d’induire une perte de cohésion intercellulaire, une transformation des cellules qui acquièrent un morphotype fibroblastique et des propriétés migratoires. Il apparaît donc comme un facteur important de remodelage phénotypique et fonctionnel du tissu tumoral. Ce facteur est aussi un puissant mitogène, qui joue un rôle essentiel dans le développement et la régénération hépatiques. Le S.F. correspond au ligand d’un récepteur membranaire, c-met, qui fut originellement décrit comme une protéine proto-oncogénique. Bien que ses effets sur le développement des métastases in vivo restent à prouver, le S.F. est tellement actif sur la mobilité des carcinomes in vitro qu’il mérite de plus amples études. Une observation surprenante, émanant du laboratoire de George Van de Woude, modifie l’idée que l’on pouvait se faire des fonctions de ce facteur: en effet, lorsque le S.F. est amené à agir de façon autocrine dans un système expérimental qui utilise des cellules fibroblastiques transfectées par un plasmide codant pour le S.F., ce facteur a un effet diamétralement opposé à celui qu’on lui connaissait, puisqu’il transforme, dans ces conditions, les cellules fibroblastiques en cellules épithéliales. Ces expériences montrent à quel point le rôle de nombre de molécules biologiques ne peut être détaché du contexte dans lequel ces molécules agissent: ainsi pour le S.F. qui peut être facteur de désépithélialisation dans un cas et facteur d’épithélialisation dans un autre.D’autres facteurs de croissance, tels que le facteur de croissance épidermique (epidermal growth factor ou E.G.F.), le facteur de croissance de type insuline (insulin-like growth factor ou I.G.F.), le facteur de croissance fibroblastique (fibroblast growth factor ou F.G.F.), sont aussi des facteurs de mobilité cellulaire pour des types cellulaires normaux ou tumoraux particuliers. Ces facteurs agissent essentiellement de façon paracrine, mais ils peuvent aussi, dans certaines conditions, être autocrines.L’angiogenèse tumoraleLa formation de nouveaux vaisseaux est un des éléments capitaux de l’expansion tumorale: en effet, une tumeur non vascularisée souffre du manque d’oxygène et de nutriments et ne peut donc se développer. De plus, l’ampleur de la dissémination métastatique dépend de la distance entre les cellules tumorales et les vaisseaux dans lesquels elles vont pénétrer. Dans la mesure où les nouveaux vaisseaux formés sont immatures, ils sont plus perméables que des vaisseaux normaux et laissent donc plus facilement passer les cellules tumorales.Les cellules tumorales sont capables d’induire d’elles-mêmes la formation de nouveaux capillaires. Le processus est complexe et requiert la coopération des cellules endothéliales appartenant au réseau capillaire proche de la tumeur (fig. 4). Sous l’action de stimuli émanant des cellules tumorales, les cellules endothéliales deviennent en effet capables de dégrader leur propre lame basale et de migrer dans le stroma périvasculaire en s’orientant vers la source du stimulus tumoral. Les bourgeonnements vasculaires ainsi créés se développent et forment des tubes qui se connectent les uns aux autres pour former un réseau capillaire. La néoangiogenèse a de nombreux points communs avec l’invasion et la métastase tumorale. En effet, pour qu’il y ait angiogenèse, les cellules endothéliales doivent sécréter des protéases dégradant la lame basale, elles doivent migrer dans la matrice extracellulaire et elles doivent proliférer, tout comme doivent le faire les cellules tumorales en cours d’invasion. Il n’est donc pas surprenant qu’on retrouve, dans le processus de néoangiogenèse tumorale, les mêmes facteurs que ceux qui opèrent dans la dissémination tumorale: facteurs de migration cellulaire (de type S.F.), enzymes protéolytiques de type métalloprotéases et sérines protéases, facteurs de croissance de type F.G.F. La différence majeure que l’on peut cependant constater entre les deux processus est que l’invasion tumorale est un processus non régulé, alors que la néoangiogenèse s’arrête sitôt que le stimulus angiogénique est supprimé. Partant de ce principe, et dans la mesure où la formation de nouveaux capillaires est d’une grande importance pour le développement et la dissémination des tumeurs, on peut penser qu’une voie thérapeutique prometteuse serait celle qui consisterait à inhiber l’angiogenèse tumorale.Il convient, à ce propos, de signaler la récente découverte publiée par l’équipe de Judah Folkman. Ces chercheurs s’intéressaient à un phénomène connu depuis vingt ans sans jamais avoir été compris: on savait, en effet, que la résection chirurgicale de certaines tumeurs primaires pouvait provoquer une flambée de métastases. L’hypothèse sur laquelle Folkman a travaillé était que la tumeur primaire pouvait sécréter un facteur capable d’inhiber la croissance de tumeurs secondaires. Cela l’a conduit à démontrer que l’angiostatine, qui n’est autre qu’un fragment particulier de plasminogène, est un puissant inhibiteur de la néoangiogenèse tumorale et possède donc la capacité d’inhiber la croissance des métastases. Si les essais cliniques utilisant l’angiostatine comme thérapeutique anticancéreuse se révélaient concluants, la découverte de Folkman aurait un retentissement considérable.Pour conclure cette analyse, il convient de rappeler la complexité du phénomène métastatique et de noter aussi la redondance des moyens moléculaires que la cellule tumorale a à sa disposition pour accomplir chacune des étapes: ainsi, le nombre de facteurs de mobilité est élevé, les enzymes protéolytiques sont variées, tout comme le sont les facteurs angiogéniques. Cette considération permet de mieux comprendre pourquoi, malgré sa complexité et la somme de modifications que la cellule tumorale doit subir pour devenir métastatique, ce processus est, malgré tout, loin d’être inefficace. Cela permet aussi de comprendre la difficulté à imaginer une thérapeutique spécifique capable de s’opposer aux effets de l’ensemble des facteurs dont les fonctions sont semblables. Malgré tout, un certain nombre de stratégies cliniques se sont développées au cours de ces dernières années. Des composés sont actuellement mis au point qui visent à inhiber l’angiogenèse. D’autres stratégies consistent à utiliser des protéines membranaires spécifiques de cellules tumorales métastatiques comme cibles d’un traitement par anticorps monoclonaux. Enfin, on peut penser que la découverte de gènes suppresseurs de métastase permettrait, à terme, de concevoir une thérapie génique visant à renforcer l’expression de ces gènes. Un vaste domaine de recherches scientifiques et cliniques est ainsi ouvert, qui pourrait déboucher sur des avancées notables dans le traitement des cancers.
Encyclopédie Universelle. 2012.